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Réforme de la carte judiciaire ou l’éloignement de la justice du justiciable

Notre contributrice, magistrate depuis 2021, a pu constater un éloignement croissant de l’exercice de la justice par rapport à ceux qu’elle est supposée servir.

Les exemples de cet éloignement de la justice du justiciable sont nombreux. Ceux qui viennent le plus simplement à l’esprit sont sans doute la construction de nouveaux palais de justice, à l’instar de celui abritant le tribunal judiciaire de Paris, où les bureaux des magistrats sont devenus inaccessibles aux justiciables voire même aux avocats. Plus encore, les juges ne tiennent plus de simples auditions dans leur bureau mais dans des salles dédiées situées au rez-de-chaussée du palais, renforçant une spécialisation de la justice qui rend opaque leur travail. Mais l’éloignement s’opère aussi par les choix de localisation des auditeurs de justice (autrement dit les futurs magistrats) qui privilégient les tribunaux des métropoles aux petites ou moyennes juridictions[1].

Toutefois, la meilleure illustration de cette distance instaurée entre la justice et le justiciable est la réforme de la carte judiciaire. Aussi jusqu’en 2009, 1200 juridictions environ existaient sur le territoire français réparties selon une carte judiciaire datant de 1958. L’espoir de réaliser des économies d’échelle associé à la volonté de renforcer l’efficacité de la justice ont fait naître une réflexion sur la réforme de la carte judiciaire, au détriment du justiciable.

Ainsi, après la remise de nombreux rapports sur cette question, une réforme d’ampleur initiée en 2007 a-t-elle conduit à regrouper les juridictions à l’échelle départementale et régionales. Par la suite, les décrets des 15 février et 29 mai 2008 ont modifié en conséquence les ressorts et les sièges des tribunaux d’instance, des tribunaux de grande instance, des tribunaux de commerce et des conseils de prud’hommes conduisant à la suppression de 400 juridictions et la création d’une dizaine d’entre elles. Ainsi, 21 tribunaux de grande instance ont été supprimés outre 178 tribunaux d’instance alors qu’ils sont l’incarnation par essence de la justice de proximité.

Si, selon le rapport annuel de la Cour des Comptes en 2015, la réforme de la carte judiciaire a permis d’atteindre les objectifs visés de rationalisation (gestion immobilière et répartition des ressources humaines) sans dégrader la qualité du service rendu[2], un rapport du Sénat en 2012 a pourtant mis en évidence que, cette réforme a eu des conséquences négatives pour les justiciables – notamment les plus fragiles – du fait de l’éloignement des juridictions et de l’accroissement des délais de traitement[3]. Il en ressort ainsi que, sur plus de 100 km, un territoire pourtant non dépeuplé est privé de toute juridiction. En Bretagne, par exemple, les tribunaux d’instance de Loudéac, Plontivy et Ploërmel ont été supprimés de sorte que la Bretagne intérieure a été privée de toute implantation judiciaire sur une bande de territoire de plus de 100 km nord-sud et de 150 km sud-ouest. De même, en Auvergne, pour toute une zone qui s’étend de Clermont-Ferrand au Puy-en-Velay, les suppressions des tribunaux d’instance d’Issoire, d’Ambert et de Brioude privent le sud du Puy-de-Dôme et le nord de la Haute-Loire de toute présence judiciaire.

A cet éloignement des juridictions s’ajoute une précarisation de la justice. Mon expérience au tribunal judiciaire de Beauvais en qualité de juge des contentieux de la protection m’a fait constater la volonté de privilégier le recrutement de vacataires plutôt que de greffiers. Le manque de magistrats tente d’être pallié par le recrutement d’assistants de justice ou de juriste-assistants en contrats précaires, les assistants de justice travaillant deux jours par semaine pour un salaire d’environ 500 euros, souvent pour financer leurs études, et les juriste-assistants exerçant dans le cadre de contrats à durée déterminée de trois ans et devant systématiquement négocier leur salaire[4].

Il ne reste qu’à espérer que le recrutement plus important de magistrats grâce à la loi d’orientation et de programmation pour la justice 2023-2027 permettra de nouveau de combler les attentes des justiciables en réduisant les délais de traitement, à défaut de pouvoir réduire les trajets vers les juridictions des justiciables vivant en campagne.

                                                                                                            Magistrate et adhérente de « Souverains Demain ! »


[1]Sur la liste de postes proposés aux auditeurs de justice de la promotion 2022, 90 postes sur 242 étaient proposés dans des juridictions de groupe 1 et 2 soit les plus importantes. En raison de l’organisation des jeux olympiques de Paris, sur la liste de postes proposés aux auditeurs de justice de la promotion 2021, 152 postes sur 333 étaient proposés dans des juridictions  de ces deux groupes.

[2]Rapport public annuel du 11 février 2015, Tome I – La réforme de la carte judiciaire : une réorganisation à poursuivre

[3]     Rapport d’information n° 662 (2011-2012), déposé le 11 juillet 2012

[4]En 2021, quatre magistrats et deux magistrats à titre temporaire composaient le pôle de la protection et de la proximité où j’exerce mes fonctions. En 2023 et en 2024, seuls deux magistrats le constituent. 

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En refusant de condamner clairement les attaques du Hamas en Israël, LFI fait honte à la France

Une pluie de roquettes déchire le ciel d’Israël depuis samedi matin. Bombardant sans relâche des populations civiles innocentes, les terroristes du Hamas se sont infiltrés au sein de l’État hébreu lors d’une opération commando afin d’enlever, de torturer et d’assassiner hommes, femmes et enfants juifs. Dans les rues du pays déjà meurtri par la guerre, les sirènes annonçant le prochain bombardement retentissent sans jamais s’arrêter, et déjà, le premier bilan, terrible, annonçait samedi soir 70 morts et plus de 900 blessés.

Le gouvernement a déployé ses forces armées et ses réservistes sur l’ensemble du territoire pour défendre la nation et sa population civile face aux forces du Hamas. Cette organisation qui appelle ouvertement au djihad contre les Juifs souhaite, ni plus, ni moins la destruction et l’épuration ethnique d’Israël afin d’instituer un État islamiste palestinien avec Jérusalem comme capitale.

Face à ces attaques d’une violence et d’une cruauté inimaginables, touchant l’État hébreu en son cœur, les réactions politiques ne se sont pas fait attendre : du Parti communiste au Rassemblement national, en passant par Renaissance et Europe Écologie les Verts, l’ensemble de la classe politique a condamné sans ambages la monstrueuse attaque du Hamas… tous, à l’exception notable de La France Insoumise, parti de tous les mauvais combats qui, dans un communiqué de son groupe parlementaire, semble cautionner les attaques terroristes et antisémites en cours en Israël et le justifier, dénonçant une soi-disant « intensification de la politique d’occupation israélienne à Gaza et à Jérusalem-Est ». Les députés insoumis proposent de régler le problème par l’adoption de résolutions à l’ONU exigeant « la fin de la colonisation ». On appréciera l’inversion de la charge de l’agresseur. Aux yeux de LFI et de ce communiqué de la honte, aucun doute n’est possible : si des civils sont massacrés, c’est sans nul doute de la faute de la politique expansionniste de l’État israélien et en rien de celle des terroristes qui commettent ces crimes de guerre contre des innocents, femmes et enfants.

L’indécence de ce communiqué témoigne de la malhonnêteté intellectuelle et de l’instrumentalisation politique de la situation en Israël. Il rappelle les positions particulièrement gênantes d’une large partie de la gauche radicale sur la question de l’antisémitisme. Ainsi, lors des dernières législatives, alors que le militant raciste Taha Bouhafs était investi par Jean-Luc Mélenchon, les députées France Insoumise Danièle Obono et Danielle Simmonet recevaient avec honneurs l’ancien leader travailliste Jeremy Corbyn, évincé de son propre parti en raison de sa complaisance avec l’antisémitisme. Quelques mois plus tard, les mêmes défendaient le rappeur Médine et ses quenelles.

Dans cette droite lignée, la gauche mélenchoniste s’est trouvée incapable de condamner clairement les attaques du Hamas. Ainsi, la députée Mathilde Panot, qui n’a pas su trouver un mot pour les dizaines de civils massacrés, a préféré s’accomoder avec les faits pour condamner la soi-disant « politique d’occupation israélienne à Gaza », quand bien même il n’y a plus un colon israélien à Gaza depuis 2005. Un exemple suivi de près par le député Louis Boyard, qui a renvoyé « dos à dos la violence de l’Etat israélien à celle des groupes armés palestiniens », ou encore la vice-présidente insoumise du groupe d’étude sur l’antisémitisme (sic) Ersilia Soudais dont les seuls mots d’empathie en cette heure tragique ont été pour « Gaza, une prison à ciel ouvert ». A travers ces comparaisons hasardeuses, une partie de la gauche commet l’irréparable en mettant un signe égal entre opération d’épuration ethnique commise par un groupe terroriste et politique expansionniste (que l’on peut légitimement contester) d’un État démocratique.

En effet, si l’État hébreu n’est pas exempt de tout reproche concernant sa politique militaire, celle-ci n’a rien à voir, dans aucune mesure, avec les exactions commises par le Hamas, reconnu sans ambiguïté comme organisation terroriste par l’Union européenne. L’objectif assumé de ces terroristes est la destruction de l’État d’Israël et l’annihilation du peuple juif dans cette région. Face à ce projet funeste et profondément antisémite, la condamnation ne devrait souffrir d’aucune nuance ; aucun groupe politique ne devrait manquer à l’appel, et encore moins à gauche !

Si plusieurs cadres insoumis, tous isolés du cercle proche de Jean-Luc Mélenchon, à l’instar de François Ruffin, Alexis Corbière ou Clémentine Autain, ont condamné sans ambiguïté ces attaques, il n’en reste pas moins qu’une majorité écrasante du parti discrédite la gauche en refusant de condamner clairement le Hamas terroriste. Cela s’inscrit dans le nouvel antisémitisme, le plus redoutable de tous aujourd’hui, celui de l’extrême gauche. L’islamo-gauchisme de LFI ou du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) éclate au grand jour, dans le cynisme et le clientélisme.

La complaisance de cette extrême-gauche à l’égard de l’Islam politique et son silence face à la montée de l’antisémitisme en font le parti de la honte. Jean-Luc Mélenchon et les siens sont les véritables fossoyeurs de la gauche et de la France. Tout cela finira mal.

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L’écologie ne se fera pas sans les artisans

Dans un pays comme la France où 12% du PIB provient des activités artisanales, il serait aberrant de penser une écologie sans nos artisans. La lutte contre une mondialisation déchaînée responsable du réchauffement climatique ne peut se faire sans les y intégrer pleinement.

Pourtant, ils sont aujourd’hui délaissés et aucun plan d’action digne de ce nom ne semble voir le jour. A la crise sanitaire s’ajoute désormais la crise écologique, et les artisans sont en première ligne.

Ils sont stigmatisés pour leurs mauvais résultats, leur supposée inaction, mais comment pourrait-on leur en vouloir quand rien n’est fait pour leur faciliter la tâche ?

Bâtir une stratégie sur le long terme

S’il faut reconnaître que l’Etat multiplie les enveloppes dédiées à des aides censées accompagner les artisans dans leur transition écologique, il faut néanmoins rappeler qu’on ne fait pas de bonne politique en accumulant les aides et autres subventions.

Cette stratégie n’aboutira à rien sur le long terme. L’idée que la classe politique se fait de l’artisanat est déconnectée de la réalité et ne permet pas d’accompagner les artisans pour de réels changements.

Bien trop souvent, les enveloppes allouées aux aides ne durent que quelques mois et la lenteur administrative ne permet pas aux entreprises d’engager de réelles transformations. Les conditions d’éligibilité sont si nombreuses que personne, y compris les agents de l’État, ne peut y voir clair.

Il est impératif de simplifier l’accès aux aides en allongeant leur durée de vie et – une fois n’est pas coutume – en facilitant les démarches administratives. Sans cela, aucune vision sur le long-terme ne pourra émerger.

Mais une autre stratégie est possible et nous pouvons bâtir un plan d’action pragmatique en incluant pleinement les artisans dans les discussions. De la même manière que les artisans nous sont proches, l’État se doit d’entretenir une proximité avec ceux qui font vivre nos villes et villages.

Il faudra pour cela largement s’appuyer sur le réseau des Chambres de Métiers et de l’Artisanat (CMA) dont les agents sont plus que compétents pour accompagner les artisans au quotidien. Ils connaissent leurs problématiques, leurs besoins et sont présents sur le terrain.

Il ne faut toutefois surtout pas faire peser sur les épaules des artisans une charge trop importante, eux qui peinent déjà à rembourser les PGE (Prêt Garanti par l’État) contractés lors la crise sanitaire. Il faut les accompagner, et non ajouter un obstacle de plus à leur développement.

Reconstruire la formation pour aller de l’avant

L’artisanat n’est pas un secteur sans avenir, bien au contraire. Il dispose d’un énorme potentiel qui aurait bien besoin d’un second souffle, à l’heure où trop d’entreprises n’arrivent pas à embaucher.

Cette difficulté peut largement s’expliquer par la dévalorisation de ce secteur d’activité, qui souffre depuis des années maintenant d’un manque de considération de la classe politique. Il faut s’attaquer à la racine et redonner au baccalauréat professionnel ses lettres de noblesse – si tant est qu’il ait été, un jour, considéré à sa juste valeur.

Pour cela, il faut revenir sur la réforme de 2009 comme le propose Souverains demain! et revenir à l’esprit initial du cursus porté par Daniel Bloch, son fondateur.

La formation est au centre des préoccupations des artisans, qui préfèrent parfois fermer un jour dans la semaine plutôt que de s’encombrer d’un apprenti mal formé du fait de l’abandon des filières professionnelles.

Laissons l’enseignement professionnel à l’abandon comme il l’est déjà depuis 20 ans et les commerces de proximité disparaîtront, et avec eux la possibilité de développer les circuits courts.

Sans artisanat fort et indépendant, pas de souveraineté possible

Garantir un avenir prospère à l’artisanat, c’est sauvegarder notre souveraineté. L’artisanat est la clé de la survie économique, écologique et culturelle de notre pays.

La souveraineté économique d’abord. Face à la mondialisation à outrance du XXIe siècle, il est plus que crucial de soutenir l’artisanat français pour développer les circuits courts et protéger (ou plutôt retrouver) notre indépendance. Si l’artisanat n’a pas souffert des délocalisations qui ont affecté l’industrie, il a lui aussi été profondément touché par les vices du libre-échange. Le nouveau traité ratifié entre la Nouvelle-Zélande et l’Union Européenne, bien que concernant majoritairement les secteurs agricoles, est l’illustration parfaite d’une piètre considération de l’agriculture et de l’artisanat français.

Le combat écologique ensuite, nous l’avons évoquée. Les artisans, contrairement aux idées reçues, sont volontaires en matière de transition écologique. Ils se savent au front dans cette bataille et ne craignent pas de se battre pour la gagner. Mais ils attendent de l’État des armes pour se battre, et non des simulacres visant à alimenter les plans de communication gouvernementaux pour montrer que les ministres sont « mobilisés ».

La survie culturelle enfin. L’artisanat français, s’il est un moteur de l’économie française incontestable, constitue avant tout un des piliers de notre culture nationale. Qui pourrait imaginer une ville française sans ses boulangeries, ses boucheries, ses brasseries ? Mais l’artisanat, c’est aussi le travail de la soie des Canuts ou les activités du bâtiment qui façonnent nos paysages et nos villes.

Sauvegarder l’artisanat c’est permettre à la France de conserver son identité tout en lui permettant de faire face aux défis urgents auxquels elle est aujourd’hui confrontée.

Les artisans constituent le ciment de nos quartiers, de nos centres-villes, de nos campagnes. Sans eux, c’est l’économie française qui s’effondre, en même temps que notre culture. L’État doit cesser d’ignorer ce secteur tel qu’il le fait aujourd’hui, en témoigne la nomination d’une ministre déléguée chargée à la fois des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Cela doit changer, car l’artisanat n’est pas une composante du paysage économique français comme les autres, il nécessite des politiques adaptées.

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A Noizé, Paul Melun défend une année fructueuse pour son mouvement Souverains demain !

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Le jeune néo-thouarsais, à la tête du mouvement Souverains demain !, accueillait chez lui les 23 et 24 juillet 2022 les adhérents de son laboratoire d’idées dans le cadre des deuxièmes rencontres d’été.

A l’instar de La Rochelle pour le PS ou de La Baule pour le parti Les Républicains, le mouvement politique Souverains demain !, fondé et présidé par le Néo-Thouarsais Paul Melun, a aussi son lieu de rassemblement estival : Noizé, petit bourg de la vaste commune de Plaine-et-Vallées (79). Les 23 et 24 juillet 2022, le consultant-chroniqueur-essayiste de 27 ans accueillait dans sa demeure 36 adhérents (et invités) de son laboratoire d’idées dans le cadre de la deuxième édition des rencontres d’été.

L’occasion pour ce disciple de Michel Onfray d’envoyer le message de son attachement aux territoires ruraux, et notamment à celui qui l’accueille depuis deux ans maintenant : le Thouarsais. « J’ai toujours voulu un mouvement décentralisé. À Paris, où j’ai un logement également, j’accueillerai certainement plus de monde, mais je trouve plus formidable de faire venir une quarantaine de personnes de toute la France dans un endroit méconnu », souligne-t-il.

Le souverainisme s’invite dans l’actualité

Ces rencontres d’été constituent l’occasion, pour Paul Melun de « favoriser la cohésion du collectif », et de faire connaissance avec ceux qui le soutiennent. Mais il tenait également à ouvrir ce rendez-vous aux habitants du secteur, invités dans l’après-midi de samedi à assister à un débat, une table ronde et une conférence, avec l’Europe au cœur des discussions, lui qui prône des États-Nations plus souverains et une Union Européenne non fédérale, partenaire d’une coopération stratégique ou de projets. Douze locaux ont fait le déplacement, notamment pour écouter parler le jeune écrivain et philosophe Nathan Devers, lui aussi chroniqueur média, notamment sur la chaîne de télévision CNews.

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23 & 24 juillet : Les Rencontres d’été de Souverains Demain !

La deuxième édition des rencontres d’été du mouvement politique « Souverains Demain ! » fondé en février 2021 et présidé par Paul Melun se dérouleront les samedi 23 et dimanche 24 juillet prochain à Noizé. Le mouvement dont le but est de promouvoir une France indépendante, écologique et innovante s’est élargi et a montré que l’idée de souveraineté qu’il défend a été évoqué par de nombreux candidats lors des dernières élections présidentielles

Placées sous le signe de la question européenne et intitulé : « Pour une Europe Gaullienne, rompre avec Maastricht », ces rencontres accueilleront plusieurs conférences ouvertes gratuitement au public thouarsais avec notamment un débat entre Paul Melun et Nathan Devers, écrivain et éditeur de la revue La Règle du jeu sur le thème « Passe-sanitaire, tracing, numérisation : comment l’Europe peut-elle faire face à l’illibéralisme mondial ? ».

Paul Melun aura à cœur de mettre à l’honneur le terroir thouarsais, son patrimoine et ses paysages. Une large part du livre « Souverains Demain ! » publié en Octobre 2021 est d’ailleurs consacrée à la ruralité et à ses formidables atouts pour la France de demain. « Souverains Demain ! » est avant tout un mouvement décentralisé qui refuse que Paris concentre seul tous les pouvoirs.

Programme des Rencontres d’été


Samedi 23 juillet 2022

12H30 : Discours de lancement du Président devant la presse et les adhérents

13H00 : Déjeuner autour de produits régionaux et des vins du Val de Loire

14H30 : Comité des adhérents : présentation des membres, des actions, inscriptions dans les pôles, partage d’idées

15H30 : [Ouvert au public] « Passe-sanitaire, tracing, numérisation : comment l’Europe peut-elle faire face à l’illibéralisme mondial ? » ; débat entre Paul Melun essayiste, chroniqueur, président de Souverains Demain ! et Nathan Devers, écrivain et éditeur de la revue La Règle du jeu

16H30 : [Ouvert au public] – Pause-café et séance de dédicace

17H30 : [Ouvert au public] « Devenir de l’État-nation : perspectives et enjeux » ; table-ronde des adhérents

18H30 : [Ouvert au public] « D’un patrimoine au service des États-nations à l’européanisation des patrimoines nationaux » ; conférence par Tiphaine de Thoury, docteure en histoire contemporaine et professeure d’histoire-géographie en lycée.

 

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Entretien

Ce que le gaullisme peut apporter à la France du XXIe siècle

À l’issue des élections législatives, la situation politique française semble confuse. Quelle est votre analyse ?

Nombre d’éditorialistes s’alarment sur le caractère dramatique de l’absence majorité absolue pour le Président de la République. En réalité le général de Gaulle lui-même a connu cette situation en 1958, 1962 et 1967 mais avec le soutien des députés CNIP et MRP, dont la loyauté n’était cependant pas acquise. La Constitution gaullienne de 1958 ne garantit absolument pas une majorité absolue à l’Assemblée, mais procure au Gouvernement des capacités d’action en cas d’obstruction parlementaire (grâce au recours au 49-3, aux ordonnances et au vote bloqué, principalement).

En réalité, notre vision des institutions est altérée par 40 ans de dénaturation du régime initial.

Depuis 1981, le Président est redevenu essentiellement « l’homme d’un parti » d’où la terminologie contemporaine de « majorité présidentielle » ou « cohabitation » qui n’appartenait pas au paradigme gaullien. D’autre part le passage au quinquennat a synchronisé les élections législatives et présidentielle, contre les préconisation du Général : « parce que la France est ce qu’elle est, il ne faut pas que le Président soit élu simultanément avec les députés, ce qui mêlerait sa désignation à la lutte directe des partis, altérerait le caractère et abrégerait la durée de sa fonction de chef de l’État » (1)

 Le quinquennat a donc renforcé la logique de parti présidentiel, et poussé le chef de l’État à s’ingérer dans les moindres détails de l’action gouvernementale. Pourtant de Gaulle avait bien distingué les rôles respectifs du Président et du Premier ministre : à celui-là les grands arbitrages engageant la Nation sur le long terme, la négociation des traités, la direction des Armées, « Mais précisément, la nature, l’étendue, la durée, de sa tâche impliquent qu’il ne soit pas absorbé sans relâche et sans limite, par la conjoncture, politique, parlementaire, économique, et administrative. Au contraire c’est là le lot aussi complexe et méritoire qu’essentiel, du Premier ministre français ». (2)

Aujourd’hui, il reviendrait donc à la Première ministre (et non au Président) d’entamer les discussions avec les groupes politiques en vue des lois futures sur le pouvoir d’achat et la gestion paramétrique du régime de retraite par exemple. Le Gouvernement pourra user des armes constitutionnelles à sa disposition, et assumer devant le Parlement  le succès ou l’échec de sa politique.

Un respect plus strict de cette répartition des rôles aurait maintenu le Président à une certaine distance de la conjoncture politique, et par conséquent lui aurait garanti un certain prestige, malheureusement nettement entamé aujourd’hui.

Quelles seraient vos reformes institutionnelles pour réaffirmer la fonction présidentielle ?

 À titre personnel je plaide pour un retour au septennat et pour le plein usage de l’article 49-3, sans restriction et quels que soient les textes. Mais je souhaite aussi une représentation parlementaire de tous les courants politiques, au moyen de l’élection des députés à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire, dans la mesure où le Gouvernement pourra légiférer même sans majorité absolue. Naturellement, la discussion parlementaire constructive, le respect des oppositions par le Gouvernement conjugués au renoncement des oppositions à tout obstructivisme stérile doivent être privilégiés sur le recours au 49-3.

“ Dans l’expression gaullienne, trois notions émergent de façon récurrente, en tant que leviers d’action fondamentaux pour l’élévation de la France : l’État, le Progrès et l’Indépendance.

Comment définissez-vous le gaullisme ?

Je pourrais vous répondre de mille manières possibles ! Bien sûr la mystique de la Nation, son histoire millénaire, son caractère, son rôle dans le monde, son âme etc… tout cela habitait de Gaulle. Mais restons simples : d’abord il s’agit de transcender le clivage droite/gauche. « Prétendre faire la France avec une fraction, c’est une erreur grave, et prétendre représenter la France au nom d’une fraction, cela c’est une erreur nationale impardonnable » (3). Pour le Général, la Nation et la conduite de ses affaires exigent l’abandon de tout esprit partisan. Plus loin dans le même entretien il précise non sans humour « Il faut le progrès, il ne faut pas la pagaille », comme un utile rappel que le désordre ne peut qu’engendrer l’injustice.

Dans l’expression gaullienne, trois notions émergent de façon récurrente, en tant que leviers d’action fondamentaux pour l’élévation de la France : l’État, le Progrès et l’Indépendance.

L’État garantit l’ordre public, et donc la justice. Il planifie l’économie en stratège, régule les échanges, pilote les investissements massifs en faveur de l’énergie (nucléaire), des infrastructures, de la Recherche. L’État dirigiste (terme employé par de Gaulle ! ) mobilise au besoin l’impôt sur les sociétés, taxe les biens de luxe, appelle l’épargne populaire, et ose des mesures austéritaires comme le gel du traitement des fonctionnaires. L’investissement prime sur la consommation.

Le Progrès quant à lui, se décline dans les domaines scientifique, technique, économique ; mais c’est la dimension sociale du progrès qui singularise le gaullisme.

Par la participation, les salariés prennent des décisions dans leur entreprise, gagnent un intéressement aux bénéfices, et peuvent devenir actionnaires pour peser dans les choix stratégiques.

Au nom de la participation des citoyens à la vie publique, au travail législatif, et au pouvoir constituant, la Ve République consacre le référendum.

Enfin l’indépendance, fin autant que moyen, est inséparable de la grandeur de la France. Durant la Seconde guerre mondiale, de Gaulle s’est acharné à restaurer l’indépendance française, vis à vis de l’Occupant bien sûr mais aussi vis à vis des libérateurs. Vingt ans plus tard, en 1966, la guerre du Viêt-Nam risquait d’entrainer des troupes française dans une guerre lointaine jugée vaine. Pour cette raison, de Gaulle quitte l’organisation militaire de l’OTAN (tout en restant dans l’Alliance atlantique) « il s’agit de rétablir une situation normale de souveraineté où ce qui est français, en fait de sol, de ciel, de mer et de forces (…), ne relèveront plus que des seules autorités françaises. » (4)

“ L’État stratège doit planifier les investissement massifs dans les domaines clés du numérique, de l’intelligence artificielle, de l’énergie, de l’industrie écologique, ainsi que dans la Défense.

Comment appliquer ces principes directeurs à la France d’aujourd’hui et de demain ?

 Je suis convaincu que ces trois leviers dont nous parlions gardent toute leur pertinence aujourd’hui, et en gagneront même davantage demain.

Je ne vais pas m’étendre sur le sujet, mais les Français sont convaincus que si la cohésion sociale n’a guère progressé, la pagaille, elle, règne en France.

L’État régalien doit prestement assumer l’autorité nécessaire à la restauration d’un ordre public garant des libertés et de la justice.

L’État stratège doit planifier les investissement massifs dans les domaines clés du numérique, de l’intelligence artificielle, de l’énergie, de l’industrie écologique, ainsi que dans la Défense.

La participation doit replacer la France sur la voie du Progrès : participation à la décision publique (recours plus fréquent au référendum ; consultations, pétitions et référendum locaux) ; participation de tous à la vie économique (lutte contre les trappes à inactivité, investissement dans la formation professionnelle en ciblant les moins qualifiés…), et bien sûr participation pleine des salariés au capital de leur entreprise, comme le souhaitait le Général.

À ce sujet, j’aimerais voir s’ouvrir un grand chantier de la participation, pour définir un « capitalisme populaire et participatif » susceptible de révolutionner notre modèle économique et social.

En matière d’indépendance, les crises de la Covid et de l’Ukraine nous ont livré de précieux enseignements. La dépendance extrême de nos industries aux importations a révélé l’importance de l’autonomie industrielle dans sa concrétude. La capacité des producteurs nationaux à fabriquer leurs propres composants constitue donc un enjeu crucial pour le futur. De la même manière nous devrons réduire notre consommation énergétique nationale, par la rénovation des logements et la métamorphose des procédés industriels.

Suite à l’invasion russe en Ukraine, la France doit-elle suivre les Etats-Unis dans leur affrontement contre Moscou ?

Rappelons d’abord ce que fut la diplomatie gaullienne dans la guerre froide. Si de Gaulle était intransigeant sur la souveraineté française en matière de défense, parant au risque d’hégémonie américaine, il en appelait néanmoins à un arrangement avec Washington pour l’organisation d’une défense commune contre l’URSS, danger jugé particulièrement préoccupant « une puissance énorme, beaucoup plus redoutable pour elle (la France) que ne le fut jamais aucune puissance européenne, plus redoutable que ne le furent l’Empire de Charles Quint, le Reich de Guillaume II, le Reich de Hitler. » (5)

La constitution d’une alliance euro atlantique ne posait donc pas de problème pour de Gaulle. Il recherchait une situation d’équilibre entre les deux blocs pour rapprocher les points de vue. Mais évidemment cette volonté conciliatrice ne pouvait opérer que si l’équilibre était respecté par chacun. En cas de rupture d’équilibre, c’est la fermeté qui s’imposait. Ainsi lors de la crise de Berlin en 1961, alors que ses interlocuteurs britanniques et américains cherchaient surtout à « éviter le pire », de Gaulle les prit à contre-pied « Quant à moi, j’estime au contraire que si l’on cède à la menace, l’équilibre psychologique sera rompu. Alors, la pente naturelle des choses entrainera les Soviétiques à exiger toujours davantage et les Occidentaux à ajouter sans cesse à leurs concessions, jusqu’au moment où (…) se produira la déflagration ». (6)

Dans la crise présente, je suis convaincu comme le Général, que « cette pente naturelle des choses » conduira Poutine à toujours plus d’exigences, jusqu’au jour où nous serons au pied du mur, et c’est à ce moment-là qu’il y aura escalade, mais il sera trop tard. Restons donc soudés entre puissances occidentales, et soutenons l’Ukraine sans rien céder, c’est le meilleur moyen justement de contenir l’expansionnisme russe (et chinois qui menace aussi notre ZEE dans le Pacifique ! ).

Et un jour, lorsque la situation sera mûre pour cela, il y aura un traité de paix, et la France participera à la construction de cette paix. Et dans ce nouvel équilibre, elle pourra à nouveau traiter correctement avec la Russie. Mais chaque chose en son temps, tant que la situation militaire ne s’est pas durablement stabilisée, il est prématuré de vouloir faire la paix.

Au sujet de sa défense, la France ne recouvrera sa pleine indépendance que si elle consent à un investissement massif dans la recherche et les technologies militaires (renseignement, drones, armes hypersoniques etc…). Une coopération plus étroite entre États européens pourrait être utile, à condition qu’elle reste technique, sans velléité de défense européenne intégrée, incompatible avec la souveraineté nationale.

Quant à l’OTAN, il ne saurait être question de la fragiliser dans les temps présents, mais on pourrait ouvrir ultérieurement des discussions sur le fonctionnement du commandement intégré. L’essentiel pour aujourd’hui est que les États européens se dotent chacun de moyens militaires sérieux.

“ De Gaulle avait réussi au terme de sa politique de la chaise vide, à arracher à ses partenaires le principe du vote des États à l’unanimité pour toute décision mettant en cause un « intérêt national supérieur ».

Comment concilier Union européenne et indépendance française ?

Je vous le concède, il s’agit d’une véritable gageure ! L’UE a consciencieusement noué un noeud gordien enserrant les États, au fil des traités et des jurisprudences, de sorte qu’il est aujourd’hui difficile de défendre les intérêts de sa nation sans trancher définitivement ce noeud, hypothèse que je ne souhaite pas voir réalisée. Je regrette l’échec du Plan Fouchet (collaborateur de de Gaulle) de 1962, basé à l’époque sur des coopérations intergouvernementales.

Contre le fédéralisme sans fédérateur, je me prononce pour une Europe des coopérations entre États souverains ; une Europe des projets concrets (recherche, infrastructure, énergie , industries de défense, protection de l’environnement ; et une Europe sans exclusive : la Suisse, grand pays industriel, mérite aussi que l’on s’intéresse à elle par exemple.

De Gaulle avait réussi au terme de sa politique de la chaise vide, à arracher à ses partenaires le principe du vote des États à l’unanimité pour toute décision mettant en cause un « intérêt national supérieur ». Cette forme de droit de veto national pourrait être réintroduite afin de préserver la souveraineté de chacun. Il me parait en effet important de limiter l’irréversibilité des décisions prises dans le cadre de l’Union, afin que les peuples s’y sentent plus libres.

(1) Conférence de presse du général de Gaulle, 31 janvier 1964

(2) Ibid.

(3) Entretien radiodiffusé et télévisé avec Michel Droit, 15 décembre 1965

(4) Conférence de presse du 21 février 1966

(5) Conférence de presse, 12 novembre 1947

(6) Mémoires d’Espoir, le Renouveau, éditions Plon

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Déplacement à Bruxelles de Paul Melun

Alors que la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) prend fin le 30 juin 2022, Paul Melun se rend à Bruxelles afin de faire le bilan de ses six mois de responsabilité historique pour la France. Force est de constater que cette présidence est un échec et une occasion manquée de faire valoir nos priorités auprès des partenaires européens. Avec le refus d’E. Macron de reporter cette échéance malgré les élections présidentielle et législative, la PFUE était vouée à l’échec.

Très peu d’avancées ont été réalisées sur des sujets aussi essentiels que la reconstruction écologique, la réforme de la gouvernance économique, la coopération militaire, la maîtrise des frontières, l’Europe industrielle et l’Europe sociale. La France a toujours été un moteur dans la construction européenne mais a paralysé, ces six derniers mois, les négociations en raison des périodes de réserve électorale et de la priorité accordée par le Gouvernement à la politique interne.

Paul Melun défend une Europe forte dans un monde instable et respectueuse du principe de subsidiarité. Pour cela, il est essentiel de faire de l’Union européenne une puissance industrielle, une union des grands projets et de la coopération, dans un cadre plus démocratique, écologique et social. Paul Melun détaillera à Bruxelles sa vision pour l’Europe, dans la perspective des élections européennes de 2024.

Ce déplacement sera également l’occasion de rencontrer des responsables politiques et économiques belges, afin d’échanger sur les questions de sécurité, de communautarisme, de souveraineté agricole et d’échanges économiques franco-belges.

Programme du déplacement

Seule la qualité de certaines personnalités rencontrées est indiquée, par mesure de confidentialité.

  1. Dîner avec un conseiller communal de Louvain-la-Neuve sur le thème de la lutte contre les discriminations et de l’enseignement supérieur en Belgique.
  2. Rencontre avec le bourgmestre d’une commune rurale de Wallonie, sur la question de la souveraineté agricole dans le contexte de la guerre en Ukraine.
  3. Débat sur RCF, animé par Yves Thibaut de Maisières, avec Philippe Defeyt, économiste, membre du parti Ecolo, sur la question de l’économie, de l’écologie et de la souveraineté énergétique.
  4. Déjeuner avec Louis-Philippe Broze et Florian De Boeck, fondateurs de la startup Spentys, plateforme de numérisation, de modélisation et d’impression 3D d’orthèses de haute qualité, sur le thème du secteur pharmaceutique en Belgique et des synergies avec l’industrie pharmaceutique française.
  5. Entretien avec un membre du Sénat de Belgique, membre du Mouvement réformateur, sur la question du développement durable en Belgique.
  6. Entretien avec un membre d’un cabinet ministériel du Gouvernement fédéral sur des questions européennes.
  7. Entretien avec un député bruxellois, membre du Mouvement réformateur, sur la question de la sécurité en Région de Bruxelles-Capitale.
  8. Visite du musée du Parlement européen et du musée de l’histoire européenne
  9. Déambulation dans le quartier européen et présentation filmée du programme européen de Souverains Demain !
  10. Déambulation dans Molenbeek, à la rencontre des habitants de ce quartier sensible et visite d’une école de devoirs.
  11. Entretien en long format pour dresser le bilan de la PFUE et détailler les différentes mesures du programme européen de Souverains demain !
  12. Visite de l’hémicycle du Parlement européen 17h13 : Retour à Paris (Thalys)

Mardi 12 juillet
Rencontre avec un député européen social-démocrate danois, pour échanger sur l’avenir de la social- démocratie en Europe à la suite de l’échec du Parti socialiste français aux élections présidentielle et législative, ainsi que sur le positionnement du Parti social-démocrate danois sur l’immigration et la sécurité.


Paul Melun est un essayiste français (ayant publié Enfants de la déconstruction, portrait d’une jeunesse en rupture, et Souverains demain ! Manifeste pour une France indépendante, écologique et innovante, aux éditions Marie B), chroniqueur média (France 5, LCI, CNEWS, RTL, RCF, Le Figaro, Marianne, La Croix, Atlantico, Front populaire) et président du mouvement qu’il a fondé en février 2021, Souverains Demain ! Il était jusqu’à récemment membre du Parti socialiste français, qu’il a quitté à la suite du ralliement à la NUPES lors des élections législatives.

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Entretien

Laïcité : Parole aux adhérents

1/ Quel bilan faites-vous du premier quinquennat d’Emmanuel Macron en matière de laïcité et de lutte contre l’islamisme ? 

Associer laïcité et lutte contre l’islamisme est une erreur car malgré des points de convergence, ils restent des sujets différents. Les associer engage donc sur un biais qui à mon avis nuit à l’intelligibilité des situations. 

La laïcité est un principe qui est mis en application avec cadre juridique global régissant la vie en société d’un point de vue de la pratique des cultes, quels qu’il soient. À ce titre, après des allers-retours et des signaux parfois contradictoires (reflétant aussi les dissensions au sein de LREM), en mars 2019, Emmanuel Macron avait fini par clarifier son propos sur son choix de pratiquer une « laïcité ouverte », durant son débat avec les intellectuels.

En cela il s’était inscrit dans la ligne déjà tracée de Nicolas Sarkozy. Emmanuel Macron avait déclaré alors que « on ne demande à aucun protestant ou catholique d’être modéré ! On se fiche de savoir ce qu’il est, on lui donne la possibilité de l’être comme il veut, mais de respecter toutes les règles de la République, c’est ça la République, c’est ça la laïcité », et il ajoutait que « la question n’est pas de savoir si c’est bien ou pas bien si une jeune fille met le voile dans la rue (…) mais de savoir si elle est libre de la faire ou pas », ce qui, à mon avis, était enfoncer une porte ouverte. 

En outre, de quoi parle-t-on également lorsqu’on parle d’islamisme ? Existe-t-il un ou des islamismes ? Sur ce point déjà les choses ne sont pas simples et peuvent faire débat. Bruno Etienne l’avait défini comme étant « l’utilisation politique de thèmes musulmans mobilisés en réaction à la « westernization » considérée comme agressive à l’égard de l’identité arabo-musulmane, réaction perçue comme une protestation antimoderne ». Cette définition me semble assez pertinente car elle prend en compte un aspect essentiel de cette idéologie : son profond rejet de l’Occident, ce qui, nous allons y revenir, nous parait important pour appréhender son évolution et sa gestion en France

Ce faisant, pour répondre à votre question, le bilan du quinquennat me semble très mitigé et, surtout, il me donne l’impression que, comme bien souvent en matière de politique, on s’occupe surtout de l’arbre qui cache la forêt. Cela montre que non seulement rien n’est réglé, et on a même l’impression que les choses s’aggravent.

En effet, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite « loi séparatisme », elle a donné un cadre plus précis, pénalement applicable et entraînant des décisions telles que « fermetures de structures identifiées comme séparatistes, des redressements fiscaux et des saisies ». D’autres articles comportent aussi des points moins connus tels que : des mesures pénalisant « des examens en vue d’attester la virginité » et renforçant « la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne », assurant un meilleur encadrement de l’instruction à la maison « à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, lui donner l’instruction en famille », tout comme celui des clubs de sport, avec le « contrat d’engagement républicain », etc

Mais l’inconvénient de ce type de mesures est qu’en dehors du fait qu’elles ont tendance à éluder le problème de fond, elles peuvent aussi avoir des effets contre-productifs en nourrissant un ressentiment facile à instrumentaliser. Si bien, à titre d’exemple, que Médiapart la qualifia de « chasse aux sorcières », et elle est encore dénoncée par certains comme étant « une loi islamophobe, raciste, liberticide et discriminatoire ». À ce titre, force est de constater que le discours intimidant, usant et abusant de la rhétorique diabolisatrice a de beaux jours devant lui

En outre, les déclarations plus récentes et les postures parfois ambiguës du Président de la République, habitué à envoyer des signaux contradictoires, ne règle en rien la question. Ainsi, lorsqu’il dit, lors du débat de l’entre-deux tours, comme argument pour s’opposer à la volonté de Marine Le Pen d’interdire le port du voile, que cela provoquerait une guerre civile, ou bien lorsqu’il répond à une femme voilée « Avoir une jeune fille qui porte le voile à Strasbourg qui demande : « Est-ce que vous êtes féministe ?  » C’est la meilleure réponse à toutes les bêtises que je peux entendre. », on a plutôt l’impression qu’il souffle sur les braises. Si à cela on ajoute la politique de l’UE, que l’on peut qualifier de complaisante avec le salafisme, en particulier avec le frérisme, cela n’aide pas à clarifier les choses. 

Quoiqu’il en soit, à l’heure actuelle, il résulte un clivage qui se creuse, jalonné de reductio et de ad hominem, de récupérations politiques en tous genres qui, on peut le regretter, bloquent tout débat possible.

_  « L’État se doit de rappeler les obligations qui s’imposent aux administrations, de supprimer les pratiques publiques discriminantes, et d’adopter des règles fortes et claires dans le cadre d’une loi sur la laïcité. »

2/ La multiplication des affaires qui remettent en cause la laïcité cachent-elles une inaction patente sur le terrain ? 

Il est indéniable que depuis 1989 et l’affaire de Creil, la question de la remise en cause de la laïcité, et son « étendard » le plus visible et médiatisé (mais pas le seul) qu’est le voile, – et depuis quelque temps le burkini- est un serpent de mer. 

Si, en 1989, on a l’impression que le sujet a été en partie éludé par Lionel Jospin qui n’a pas pris la mesure de l’évènement, en laissant les enseignants et les chefs d’établissement régler « au cas par cas » les situations, force est de constater qu’en 2003-2004, il y a eu une volonté plus affirmée de s’emparer de la question. La commission Stasi, composée de 20 membres d’horizons variés (universitaires, chercheurs, juristes, politiques, enseignants et chefs d’établissements) et auditionnant 140 personnes elles-aussi de tous horizons et représentant à la fois la société civile, les partis politiques et les instances religieuses du pays, a ainsi rendu un rapport qui avait pour objectif que « l’État se doit de rappeler les obligations qui s’imposent aux administrations, de supprimer les pratiques publiques discriminantes, et d’adopter des règles fortes et claires dans le cadre d’une loi sur la laïcité ». La volonté y était, mais le bilan était finalement assez décevant car, là encore, on ne s’attaquait pas aux causes du problème. 

Aujourd’hui les affaires récentes montrent que rien n’est réglé, au contraire, et beaucoup considèrent que le voile n’est pas un problème (surtout chez les jeunes) et j’ai tendance à penser que, si après plus de 30 ans non seulement le sujet est encore d’actualité mais il s’étend et ne concerne pas seulement le voile, ni l’Islam, c’est qu’il est peut-être temps de changer de stratégie, ou en tous cas d’essayer de penser autrement.

_  « Certains sujets devraient pouvoir être posés sur la table sans polémique, froidement, sans être taxé de je ne sais quel nom d’oiseau. Il faut que le débat puisse avoir lieu, pour le bien de tous. »

3/ Quels seraient selon vous les leviers à actionner en priorité pour lutter contre la diffusion de l’idéologie islamiste et le communautarisme dans les quartiers islamisés ? 

L’islamisme est une idéologie qui « n’est pas seulement sécessionniste, mais elle est également impérialiste et hégémonique. Car l’islam théocratique a pour ambition de gouverner le monde et de faire flotter la bannière de l’islam sur celui-ci », et elle a, en France, à la fois des causes exogènes et endogènes plurielles, ce qui rend le problème particulièrement difficile à résoudre. D’ailleurs, les spécialistes eux-mêmes sont parfois en désaccord sur le sujet. Ainsi en témoigne le débat entre Gilles Kepel et Olivier Roy. Pour faire simple, Kepel considère que l’islamisme porte un véritable projet politique prosélyte et quasi eschatologique, à savoir la mise en œuvre du califat (mondial ou pas selon les courants), O. Roy, de son côté, estime que celui-ci, et son effet qu’est le communautarisme, a des causes sociales exogènes à sa doctrine. 

Je pense qu’il faut sortir de la France et du temps présent pour prendre de la hauteur. Il est indéniable que d’une manière globale, l’Islam, connait depuis quelques décennies, comme c’est déjà arrivé au cours de l’histoire, une période d’affirmation voire d’expansion, ce qui a un impact sur la situation en France. Il suffit de jeter un œil aux réseaux sociaux où les chaines des imams se développent. A l’exemple d’Abdelmonaim Boussenna avec plus de 840 000 abonnés, ou encore Nader Abou Anas avec plus de 620 000 abonnés rien que sur Youtube – et qui a déclaré récemment : « Je veux que toutes mes sœurs en Allah qui ont enlevé le voile, j’aimerai que vous gardiez en tête que cela reste un péché ».

Il est indéniable aussi que cette tendance, il faut la considérer à l’intérieur de mouvements infra-musulmans antagonistes, à savoir qu’il existe avant tout des Islams, parfois très divisés non seulement entre les islamistes eux même (entre wahhabites et salafistes par exemple), mais aussi entre les musulmans. Ainsi entre sunnites et chiites, entre les écoles juridiques, entre Arabes, Berbères, Turcs, Persans, et Kurdes, etc. Il existe autant, si ce n’est davantage de divisions culturelles, dogmatiques et cultuelles, au sein de l’Islam que dans le Christianisme ou n’importe quelle autre religion pluriséculaire. 

Et ce qu’il faut comprendre est que ces mouvances peuvent aussi être en compétition entre elles pour assurer leur hégémonie (comme cela a souvent été le cas au cours de l’histoire, là encore). Ces points sont essentiels pour comprendre que le terme de « replis communautaire » est incomplet puisqu’il n’y a pas un mais des « replis communautaires ». À cela on ajoute les questions géopolitiques telles que le conflit israélo-palestinien, qui sont aussi importées.

Une fois que l’on a compris cela, on peut envisager autrement la situation. Tout d’abord, il me semble essentiel de veiller à l’ingérence étrangère. Permettre aux musulmans de France de pratiquer leur culte sans dépendre d’une quelconque obédience étrangère qui effectuerait du prosélytisme par ce biais. Il faut, comme c’est le cas partout ailleurs, avoir un Islam de France. On retorque souvent le fait que l’absence de clergé soit un frein puisqu’il n’y a pas un interlocuteur clairement défini (et surtout reconnu) par l’ensemble des musulmans de France, mais cela me parait être un faux problème car c’est aussi le cas dans d’autres religions (juive) ou confessions (protestants). 

Ensuite, certains sujets devraient pouvoir être posés sur la table sans polémique, froidement, sans être taxé de je ne sais quel nom d’oiseau. Il faut que le débat puisse avoir lieu, pour le bien de tous. Ainsi, on ne peut pas balayer d’un revers de la main la question de l’augmentation de l’immigration, ni celle du rôle de l’UE qui visiblement a une conception de la laïcité éloignée de celle de la France et qui connait de plein fouet l’entrisme des Frères musulmans jusqu’en son sein.

Mais surtout, comme je le disais au début, il ne faut pas non plus s’en tenir à l’arbre qui cache la forêt. Et là il faut aller au fond, et se regarder soi-même, aller sur le terrain existentiel. Quel projet avons-nous à proposer pour une jeunesse en quête de sens ? Car c’est bien auprès des jeunes que le combat doit être mené. Le projet néo-libéral qui dilue les individus dans un marché de consommateurs ? Un projet qui dilue les nations ? Ce projet-là, nombreux sont ceux qui ne s’y retrouvent pas.

La France et l’Occident, sont vus comme décadents, où la consommation est outrancière et où parfois la laïcité est vue comme une religion. Cette rhétorique d’une absence de sens des sociétés occidentales fait le miel des islamistes. C’est donc cela qu’il faut revoir, il faut combler ce vide dans lequel s’immiscent les salafistes. Il faut proposer un vrai projet de société.

Concrètement, il faut réaffirmer, sans peur, le rôle et le sens de l’école, qui doit rester un sanctuaire et protéger les élèves de toute forme d’ingérence et d’idéologie (quelle qu’elle soit). On peut aussi repenser certains programmes scolaires. Notamment, par exemple, en développant, justement, davantage l’enseignement du fait religieux – comme l’avait déjà défendu Régis Debray en 2002 – ou plutôt des faits religieux, Islam et ses mouvances compris. Il est important aussi de replacer l’histoire de la laïcité, de la séparation du spirituel et du temporel, dans le temps long de sa construction et dans les différents espaces géographiques. Car, en France, par exemple, la séparation entre le politique et le religieux ne date pas de 1905, et on peut, au moins, la faire débuter en 1589, lorsque Henri III reconnait Henri de Bourbon, protestant, comme son successeur légitime. 

En outre, c’est un changement de posture qu’il faut accomplir. Et il ne faut pas se laisser intimider par les anathèmes de plus en plus nombreux et virulents, il faut sortir de notre torpeur. Mais pour cela nous devons nous extraire du cercle délétère dans lequel nous nous sommes enfermés, ou laissés enfermer. Par exemple, la France comme ancienne puissance coloniale doit être étudiée en étant davantage replacée dans un contexte plus global d’expansion coloniale. Sur ce sujet, le tollé qu’avait (à juste titre de mon point de vue) provoqué la loi de 2005 sur « le rôle positif de la présence française en outre-mer » a fait beaucoup de dégât car il a disqualifié tout débat sur la contextualisation de la colonisation. Dans le même ordre d’idées, la loi dite Taubira, en 2001 (contre laquelle s’était insurgé le collectif des historiens, « Liberté pour l’histoire », contre les lois mémorielles) a eu aussi des effets délétères puisqu’elle n’a pas pris en compte la traite arabo-musulmane, la traite barbaresque, et la traite infra-africaine. 

De fait, la hantise de certains historiens rédacteurs des programmes vis-à-vis du « roman national » pose un problème : à force de vouloir l’éviter, on finit par en écrire un autre, mais qui créé finalement une crise existentielle et une perte de sens qui fragilise notre cohésion nationale. Personnellement je pense que nous ne pouvons pas échapper au roman national et je pense aussi qu’il est hypocrite de prétendre le contraire. Dès lors que l’on fait des choix afin de rédiger des programmes scolaires, on crée un récit et une narration, c’est inévitable. La vraie question est donc : quel récit veut-on transmettre ?

_  « Les prises de positions de JLM, notamment son soutien indéfectible à Taha Bouhafs […] participent de la fragilisation de la cohésion nationale, il crée de la division en ayant remplacé la lutte des classes par une lutte des races, mais qui est un puit sans fond, et qui, de plus, est un leurre qui évite d’aborder les problèmes de fond. »

4/ Jean-Luc Mélenchon a-t-il trahi les principes de la gauche républicaine et laïque avec l’entrisme politico-religieux qu’il pratique avec les organisations islamistes ou militantes indigénistes ?

Le cas de LFI, je dois l’avouer, me laisse perplexe : concilier un dessein progressiste, à savoir l’affranchissement des lois naturelles, avec un Islam conservateur défenseur du port du voile, me parait être un grand écart. Celui-ci est d’ailleurs compliqué à gérer aussi pour une partie des électeurs musulmans, plus conservateurs, qui ne soutiennent pas un grand nombre des combats de LFI, et avec lesquels ils sont en profond désaccord. 

Mais c’est sans compter la stratégie bien huilée des islamistes. À ce titre je conseille le texte, pour la Fondapol, de Lorenzo Vidino, Directeur du programme sur l’extrémisme à l’université George-Washington : « La montée en puissance de l’islamisme woke dans le monde occidental » qui montre bien l’histoire et les stratégies, depuis les années 2000, d’entrisme des islamistes qui se sont débarrassés « largement des topoï du langage islamiste et [adopté] des cadres de pensée et des causes progressistes ». Wokisme et islamisme ont énormément de passerelles et ont adopté une rhétorique identique s’appuyant sur la disqualification de toute opposition ou moindre critique, résumées en un seul mot s’il en est : islamophobie.

Mais ne nous y trompons pas, pour les indigénistes « Mélenchon est une prise de guerre » pour reprendre les propos d’Houria Bouteldja. Quant aux islamistes, le projet est clair et assumé, et l’histoire a montré que les alliances avec les islamistes finissaient toujours en défaveur « des prises de guerre ». 

Les prises de positions de JLM, notamment son soutien indéfectible à Taha Bouhafs, ou bien ce rappeur lors du meeting de Lyon qui déclame : « Je voterai Mélenchon pour que les Français se sentent Africains », sa conception de la « créolisation » de la France, etc, sont, d’une part à l’opposé des principes qu’il a défendus la majeure partie de sa vie, et d’autre part contraires aux valeurs de la République laïque, une et indivisible. Son discours participe de la fragilisation de la cohésion nationale, il crée de la division en ayant remplacé la lutte des classes par une lutte des races, mais qui est un puit sans fond, et qui, de plus, est un leurre qui évite d’aborder les problèmes de fond. Il n’en reste pas moins une pratique de clientélisme qui a un pouvoir de nuisance très important lorsqu’on sait que beaucoup de jeunes votent pour lui ou ses idées, ces mêmes jeunes qui ne voient absolument aucun problème avec le port du voile au nom du « mon corps mon choix ». 

Entretien avec une docteure en histoire contemporaine et professeure d’histoire-géographie en lycée, membre de Souverains Demain !

 

  1. Bruno Etienne, « L’islamisme comme idéologie et comme force politique », Cités, 2003/2 (n° 14), p. 45-55.
  2. Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, Légifrance.fr.
  3. Projet de loi, texte définitif, 23 juillet 2021, Assemblée nationale.fr.
  4. Mediapart, Lou Syrah, 28 octobre 2021.
  5. Radicalisation islamiste : faire face et lutter ensemble Tome I : Rapport du Sénat.
  6. L’analyse de Kepel est confirmée par Djemila Benhabib, puis Haoues Seniguer, directeur adjoint de l’Institut d’études de l’islam et des sociétés du monde musulman (EHESS – CNRS) : « L’islamisme est une politisation exacerbée ou une idéologisation de l’islam. Les acteurs individuels et collectifs qui s’inscrivent dans ce courant sont mus par un idéal : celui de fonder un ordre social basé sur le primat des catégories religieuses », Rapport du Sénat.
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Mes chers(es) Amis(es) je pars, je change de chemin !

Cher Camarade 1er Secrétaire National

Cher Camarade 1er  Secrétaire fédéral

Cher.e.s Camarades

Après des semaines de réflexion, suite à l’évolution incohérente du Parti Socialiste de ces 10 dernières années, qui s’est précipitée ces 5 dernières années depuis le congrès d’Aubervilliers, j’ai décidé de suspendre mes cotisations et de me mettre en retrait de mon parti politique dans lequel je milite sans interruption depuis l’âge de 21 ans, il y a maintenant 45 ans.

2012 fut certainement la date fatidique de l’amorce de la chute du Parti Socialiste, après le départ de François Hollande, le dernier des grands « premiers secrétaires ».

S’est enchaînée par la suite une valse de cadres tous issus des mêmes parcours comme le syndicalisme étudiant, les études à Sciences po ou l’ENA pour les plus doués. Quand on ajoute à cela les trahisons de Valls, Le Drian, Colomb, etc.… j’ai bien compris que seuls primaient les intérêts personnels qui ont accéléré la dégringolade de ce grand parti. Un parti qui a pourtant dans son histoire tant apporté au peuple de France

Vous imaginez bien le déchirement qui est le mien. Ces longues heures d’introspection m’ont rapproché de l’esprit de mon père et de mon oncle adhérents de la SFIO et du PS depuis Epinay. Je sais qu’ils m’auraient soutenu dans ma décision.

Le ralliement a LFI a marqué un point final à mon hésitation.

Si sur quelques points les propositions de Jean-Luc Mélenchon sont partageables, pour moi il n’en est pas de même sur le fond de sa doctrine. Je ne vais pas énumérer ici dans une liste à la Prévert ce qui à mon sens n’est pas négociable. Simplement : L’Europe, l’OTAN, son manque d’insoumission à certains dictateurs, sa vision sur l’indigénisme, etc.

Pour illustrer ce fond doctrinaire, il suffit d’écouter le discours du tribun Mélenchon prononcé en octobre 2012 à l’occasion de l’élection de Chavez au Venezuela pour comprendre la personnalité du Président de LFI. Il nous explique avec talent comment transformer un peuple révolté en peuple révolutionnaire. Cette brillante démonstration fut pour moi glaçante.

Il me conforta dans l’idée que chaque révolution engendrait sa contre révolution, démarrage d’une sorte de mouvement perpétuel dont la victime récurrente est toujours le peuple.

L’insoumission appelle l’insoumission. Sur ce sujet l’Histoire a souvent parlé. Au cours des siècles « l’insoumis » arrivé au pouvoir a toujours éradiqué par des pratiques peu démocratiques les « insoumis » voulant prendre le pouvoir… Un insoumis a horreur des insoumis à sa cause,  il en va ainsi de la nature humaine.

Une séquence qui m’a également ouvert les yeux sur la vraie nature du personnage fut quand il montra sa défaillance émotionnelle, en agressant des fonctionnaires de Police venus perquisitionner chez lui où sans retenue il lançait des « La République, c’est moi ». Ce moment en a dit long sur la partie immergée de l’iceberg de cet homme politique.

Cependant j’ai beaucoup de respect pour les militants de LFI. Au moins ils sont clairs dans leur conviction dogmatique et ont confiance en leur chef, maître de l’incarnation de la doctrine.

Le plus terrible dans cet accord et qui pose question ce sont les positions mouvantes de la direction nationale du Parti Socialiste et de sa déclinaison locale. Coller à un élan populaire n’est pas un acte politique, c’est une soumission. Si François Mitterrand en avait fait de même jamais la peine de mort n’aurait été abolie, à l’époque 60% du peuple était contre.

Cependant je suis admiratif face à la souplesse de mes camarades, qui en très peu de temps, sont passés de Benoît Hamon à Olivier Faure, puis se sont effacés derrière Glucksmann aux Européennes, pour ensuite tenter un effacement derrière Jadot, pour en fin de compte présenter aux présidentielles une candidate mal préparée, qui nous demandera de voter Macron pour faire barrage au RN et au final venir échouer dans un accord avec LFI… quel parcours.

Bravo, moi je n’ai pas cette souplesse, j’ai certainement les adducteurs trop rigides.

Je ne juge personne, chacun dans son for intérieur jugera de sa propre position et au bout du compte c’est l’Histoire qui aura le dernier mot.

Certainement que l’instinct de la survie personnelle  de quelques uns coûtera très cher à notre parti et à nos idéaux.

Mais en fin de compte, un parti, une fédération, un mouvement ne sont que des contenants. Aujourd’hui le contenant socialiste est bien mal en point et son contenu, par manque d’idées et de travail est déjà bien éventé.

Le contenu c’est sa doctrine ! Sa compréhension passe par son récit ! Son vecteur, c’est son incarnation ! Son programme est son arme ! Sa réussite, le pouvoir pour application.

Je n’ai pas vu cela pendant ces cinq dernières années. J’ai plutôt remarqué des petits combats d’appareil, une volonté farouche pour se dissoudre comme un cachet effervescent derrière les autres. J’ai remarqué une incapacité de remise en question toujours justifiée par les mêmes explications incriminant le bilan du quinquennat Hollande, répétées à l’infini comme un disque rayé. Puis après cette litanie le vide sidéral.

Le socialisme c’est une vision, une pensée, une histoire…  Et quand le parti ne représente plus cette histoire car occupé à autre chose et que ses responsables ne sont plus capables d’écrire le chapitre suivant, il faut prendre des mesures courageuses pour mettre en œuvre une refondation efficace au service du peuple français.

Ma décision n’est mue par aucun esprit d’aventure personnelle.

À 66 ans je n’aspire pas à un quelconque poste électif. Pendant 26 ans de ma vie, comme conseiller municipal, puis régional et départemental, j’ai, pour mon parti et mes concitoyens, donné le meilleur de moi-même.

Pendant 33 ans, comme conseiller national, fédéral, secrétaire de section et membre du Bureau National, j’ai défendu les positions politiques des courants auxquels j’ai appartenu avec énergie et opiniâtreté mais dans un souci de placer l’amitié au-dessus du reste. Nous sommes loin de cela aujourd’hui quand on regarde les réseaux sociaux.

La seule chose qu’il me reste à donner, c’est du temps pour, avec d’autres, attaquer le chantier de la refondation et répandre le terreau pour les jeunes pousses socialistes de demain.

Il faudra redonner du temps au temps pour défricher cette longue route certainement semée d’embûches.

Le socialisme français mérite mieux que de sauver quelques meubles. Quel piètre spectacle !

Le socialisme français a tant donné à la France et au français depuis Jean Jaurès, Léon Blum, François Mitterrand, et jusqu’à aujourd’hui. Il donne encore beaucoup dans les territoires avec ses maires, conseillers départementaux et régionaux…

Je m’éloigne donc de ce compagnon qui a perdu sa mémoire et sa boussole et qui en quelque sorte nous a déjà quittés.

Modestement, avec d’autres camarades nous allons bâtir ailleurs en pensant à nos grands aînés qui longtemps ont montré la voie aujourd’hui perdue par des héritiers manquant de hauteur.

Je termine cette lettre encore avec l’esprit de mon  père qui me disait souvent : « Mieux vaut être un Socrate malheureux qu’un pourceau satisfait ». Malheureux, je le suis ! Il me disait également : « Mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux ». Je n’ai jamais eu le goût  pour la génuflexion. Alors ailleurs je mourrai peut-être, sans doute même… mais debout !

Philippe Dorthe

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« Souverains Demain! », sous la direction de Paul Melun