Dans un pays comme la France où 12% du PIB provient des activités artisanales, il serait aberrant de penser une écologie sans nos artisans. La lutte contre une mondialisation déchaînée responsable du réchauffement climatique ne peut se faire sans les y intégrer pleinement.
Pourtant, ils sont aujourd’hui délaissés et aucun plan d’action digne de ce nom ne semble voir le jour. A la crise sanitaire s’ajoute désormais la crise écologique, et les artisans sont en première ligne.
Ils sont stigmatisés pour leurs mauvais résultats, leur supposée inaction, mais comment pourrait-on leur en vouloir quand rien n’est fait pour leur faciliter la tâche ?
Bâtir une stratégie sur le long terme
S’il faut reconnaître que l’Etat multiplie les enveloppes dédiées à des aides censées accompagner les artisans dans leur transition écologique, il faut néanmoins rappeler qu’on ne fait pas de bonne politique en accumulant les aides et autres subventions.
Cette stratégie n’aboutira à rien sur le long terme. L’idée que la classe politique se fait de l’artisanat est déconnectée de la réalité et ne permet pas d’accompagner les artisans pour de réels changements.
Bien trop souvent, les enveloppes allouées aux aides ne durent que quelques mois et la lenteur administrative ne permet pas aux entreprises d’engager de réelles transformations. Les conditions d’éligibilité sont si nombreuses que personne, y compris les agents de l’État, ne peut y voir clair.
Il est impératif de simplifier l’accès aux aides en allongeant leur durée de vie et – une fois n’est pas coutume – en facilitant les démarches administratives. Sans cela, aucune vision sur le long-terme ne pourra émerger.
Mais une autre stratégie est possible et nous pouvons bâtir un plan d’action pragmatique en incluant pleinement les artisans dans les discussions. De la même manière que les artisans nous sont proches, l’État se doit d’entretenir une proximité avec ceux qui font vivre nos villes et villages.
Il faudra pour cela largement s’appuyer sur le réseau des Chambres de Métiers et de l’Artisanat (CMA) dont les agents sont plus que compétents pour accompagner les artisans au quotidien. Ils connaissent leurs problématiques, leurs besoins et sont présents sur le terrain.
Il ne faut toutefois surtout pas faire peser sur les épaules des artisans une charge trop importante, eux qui peinent déjà à rembourser les PGE (Prêt Garanti par l’État) contractés lors la crise sanitaire. Il faut les accompagner, et non ajouter un obstacle de plus à leur développement.
Reconstruire la formation pour aller de l’avant
L’artisanat n’est pas un secteur sans avenir, bien au contraire. Il dispose d’un énorme potentiel qui aurait bien besoin d’un second souffle, à l’heure où trop d’entreprises n’arrivent pas à embaucher.
Cette difficulté peut largement s’expliquer par la dévalorisation de ce secteur d’activité, qui souffre depuis des années maintenant d’un manque de considération de la classe politique. Il faut s’attaquer à la racine et redonner au baccalauréat professionnel ses lettres de noblesse – si tant est qu’il ait été, un jour, considéré à sa juste valeur.
Pour cela, il faut revenir sur la réforme de 2009 comme le propose Souverains demain! et revenir à l’esprit initial du cursus porté par Daniel Bloch, son fondateur.
La formation est au centre des préoccupations des artisans, qui préfèrent parfois fermer un jour dans la semaine plutôt que de s’encombrer d’un apprenti mal formé du fait de l’abandon des filières professionnelles.
Laissons l’enseignement professionnel à l’abandon comme il l’est déjà depuis 20 ans et les commerces de proximité disparaîtront, et avec eux la possibilité de développer les circuits courts.
Sans artisanat fort et indépendant, pas de souveraineté possible
Garantir un avenir prospère à l’artisanat, c’est sauvegarder notre souveraineté. L’artisanat est la clé de la survie économique, écologique et culturelle de notre pays.
La souveraineté économique d’abord. Face à la mondialisation à outrance du XXIe siècle, il est plus que crucial de soutenir l’artisanat français pour développer les circuits courts et protéger (ou plutôt retrouver) notre indépendance. Si l’artisanat n’a pas souffert des délocalisations qui ont affecté l’industrie, il a lui aussi été profondément touché par les vices du libre-échange. Le nouveau traité ratifié entre la Nouvelle-Zélande et l’Union Européenne, bien que concernant majoritairement les secteurs agricoles, est l’illustration parfaite d’une piètre considération de l’agriculture et de l’artisanat français.
Le combat écologique ensuite, nous l’avons évoquée. Les artisans, contrairement aux idées reçues, sont volontaires en matière de transition écologique. Ils se savent au front dans cette bataille et ne craignent pas de se battre pour la gagner. Mais ils attendent de l’État des armes pour se battre, et non des simulacres visant à alimenter les plans de communication gouvernementaux pour montrer que les ministres sont « mobilisés ».
La survie culturelle enfin. L’artisanat français, s’il est un moteur de l’économie française incontestable, constitue avant tout un des piliers de notre culture nationale. Qui pourrait imaginer une ville française sans ses boulangeries, ses boucheries, ses brasseries ? Mais l’artisanat, c’est aussi le travail de la soie des Canuts ou les activités du bâtiment qui façonnent nos paysages et nos villes.
Sauvegarder l’artisanat c’est permettre à la France de conserver son identité tout en lui permettant de faire face aux défis urgents auxquels elle est aujourd’hui confrontée.
Les artisans constituent le ciment de nos quartiers, de nos centres-villes, de nos campagnes. Sans eux, c’est l’économie française qui s’effondre, en même temps que notre culture. L’État doit cesser d’ignorer ce secteur tel qu’il le fait aujourd’hui, en témoigne la nomination d’une ministre déléguée chargée à la fois des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Cela doit changer, car l’artisanat n’est pas une composante du paysage économique français comme les autres, il nécessite des politiques adaptées.