Souverains Demain !

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La réforme ne vient pas de n’importe où, et la soumission de la France aux directives de Bruxelles n’est pas étrangère à la casse du système social français.

Réforme des retraites : le totem des libéraux

Le 17 février 2020, le gouvernement d’Édouard Philippe soumettait à l’Assemblée nationale la première version de son projet de réforme du système de retraite par répartition. Rappelons que dès 2017, le candidat Emmanuel Macron avait annoncé avoir pour priorité la stabilisation d’un système de retraite prétendument bientôt déficitaire. Le rejet massif de ce projet de loi dans l’opinion publique et surtout par les députés des différentes oppositions a alors poussé le gouvernement Philippe II à passer en force en engageant sa responsabilité sur ce texte de loi, recourant autrement dit au célèbre 49.3. C’était cependant sans compter sur l’épidémie de Covid-19, cette dernière ayant contraint la Macronie à suspendre sine die la mise en œuvre d’une réforme éminemment symbolique.

Deux ans plus tard, voilà la réforme remise au goût du jour, à ceci près que les ambitions d’hier ont cédé la place à un projet de réforme des retraites bien moins « ambitieux ». Alors que la réforme proposée en 2017 se voulait systémique, la nouvelle mouture dudit projet prévoit désormais uniquement des ajustements paramétriques, en tête desquels le recul progressif de l’âge de départ à la retraite. Aussi Emmanuel Macron compte-t-il bien mener cette réforme à son terme, n’ayant pas hésité à agiter le chiffon rouge de la dissolution (art. 12).

 

Un simulacre de démocratie censé légitimer la réforme des retraites

Les revirements du gouvernement sur ce projet de réforme tant redouté et ô combien explosif sont nombreux, à commencer par une double suppression, tant de l’âge pivot à 64 ans que du système de retraite par points, en faveur désormais d’une « simple » modification de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 65 ans. En outre, au lieu du régime de retraite universel initialement souhaité, ce sont trois régimes distincts qui devraient remplacer les 42 existants : régime des salariés et régime des indépendants en passant par un régime de la fonction publique. C’est assurément, entre autres, la volonté d’Emmanuel Macron de rassurer de potentiels électeurs de gauche lors du second tour de la campagne présidentielle qui a laissé place à ces nouvelles compromissions. Ainsi a-t-il par exemple consenti à modifier les modalités d’instauration du nouvel âge de départ à la retraite en affirmant qu’il ne le ferait reculer que progressivement, à hauteur de 4 mois par ans, la mise en œuvre de la réforme prenant alors théoriquement fin en 2031. Emmanuel Macron est même allé plus loin, annonçant un arrêt possible mais pas certain pour autant de la réforme en 2028, avec alors un âge de départ fixé à 64 ans, si et seulement si, néanmoins, l’équilibre budgétaire du système de retraite le permettait. Il est pour autant peu certain que mettre de l’eau dans son vin, comme il l’a donc fait, soit à même d’endiguer les tensions autour de ce projet de réforme.

Ces multiples revirements ne sont ainsi ni plus ni moins que l’illustration d’un simulacre de démocratie, et d’un énième tour de passe-passe dont seule la majorité présidentielle détient le secret ; en l’occurrence, l’idée sournoise de l’exécutif consiste à faire passer cette réforme comme étant le fruit d’une « banale » concertation démocratique, afin d’y faire somme toute consentir le plus grand nombre. Et cela alors même que ces incessants revirements sont savamment calculés, au gré des soubresauts de l’opinion publique. Il n’y a en effet là absolument pas une once d’exercice démocratique.

 

Des arguments fallacieux au service d’un projet bancal

La première raison infondée qu’invoque le gouvernement pour faire passer la réforme est le déficit qu’encourerait notre système de retraite. Or, à en croire le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), la part de dépense pour les retraites tendrait à augmenter légèrement jusqu’à l’horizon 2030, et ensuite, à se stabiliser jusqu’en 2070 – bien qu’il faille avouer que ces dépenses peuvent autant augmenter que diminuer selon des conjonctures futures que l’on ne peut exactement estimer aujourd’hui. La transition démographique actuelle est en effet liée à la génération du « Baby-Boom » des années 50-60, partie à la retraite cette dernière décennie, créant par conséquent moins d’actifs cotisants pour un retraité (5 pour 1 en 1950 contre 3 pour 1 en 2020). Il est cependant possible d’ajouter à cela qu’un actif produit aujourd’hui environ trois fois plus qu’un actif il y a 50 ans. L’argument avancé n’est donc qu’un trompe-l’œil pour faire passer une réforme qui n’est en réalité qu’idéologique, et pour laquelle LREM tient à se positionner en gardienne des finances publiques.

À cela s’ajoute une double opinion communément partagée chez les libéraux selon laquelle « les français ne travailleraient pas assez », et selon laquelle ils « travailleraient moins que les autres pays européens ». Sauf que si l’on regarde de plus près la productivité horaire des Français, il est aisément constatable que leur productivité est bien supérieure à l’ensemble des pays européens, même l’Allemagne et la Suède. Et ce, alors que nous faisons moins d’heures dans l’année. Ainsi, la productivité ne passe pas forcément par l’allongement du temps de travail : les recherches menées par de l’Université d’Oxford, en collaboration avec la multinationale de télécommunications britannique BT, ont établi un lien concluant entre bonheur et productivité : selon eux un travailleur heureux serait 13 % plus productif. Or, il est entendu qu’il est difficile de s’épanouir quand le temps-libre est dévoré par le temps de travail.

Pour ces mêmes libéraux, les Français vivant désormais plus longtemps, les voilà qui « devraient » travailler plus pour financer leurs pensions de retraite ; cet indicateur est peu pertinent en comparaison de celui de la durée de vie en bonne santé. En effet, le fait est que la France est un pays où la durée de vie en bonne santé est en dessous de la moyenne européenne, et que cette dernière, loin d’augmenter, stagne actuellement. C’est ainsi qu’outre le fait de s’enferrer dans un profond déni de réalité, leur conception de la retraite est contraire à toute forme de justice sociale : à 62 ans, 25 % des 5 % les plus pauvres sont déjà morts. Si Emmanuel Macron a souhaité individualiser la pénibilité des carrières des travailleurs en prenant en compte certains critères de pénibilité, il semblerait que cette volonté soit fortement teintée d’hypocrisie, le gouvernement ayant supprimé quatre critères de pénibilité sur dix en septembre 2017…

 

Un problème mal ciblé

Enfin, un facteur trop souvent oublié et pourtant essentiel au financement des retraites n’est autre que celui du chômage. En effet, les demandeurs d’emploi ne paient pas de cotisations sociales pour les retraites, ce qui provoque naturellement une diminution de ressources pour le système de retraite et augmente concomitamment les dépenses du Fonds de solidarité vieillesse. Or, ce chômage, malgré un taux de 7,4 % dont se félicite le gouvernement, ne prend pas en compte le halo du chômage. Si toutes les catégories, de A à C, étaient réellement inclues, ainsi que les travailleurs exerçant une activité réduite, on s’apercevrait que le chômage a en réalité augmenté depuis 2017. Avant de chercher à tailler les retraites des Français, il s’agirait donc de mettre en place des politiques publiques de l’emploi efficaces.

De plus, parallèlement à cela, dans le cadre du semestre européen, la Commission européenne et le Conseil de l’UE ont adressé en juin et en juillet 2019 leurs dernières recommandations économiques pour la France. Aussi parmi celles-ci les deux institutions soutiennent-elles évidemment la réforme des retraites prévue par l’exécutif, car elle serait de nature à « contribuer à alléger la dette publique à moyen terme ». La réforme ne vient pas de n’importe où, et la soumission de la France aux directives de Bruxelles n’est pas étrangère à la casse du système social français.

Jimmy Carter, ancien président américain et prix Nobel de la paix en 2002, disait : « La mesure d’une société se trouve dans la manière dont elle traite ses citoyens les plus faibles et les plus démunis. » Nos aînés, ressources du savoir et de la sagesse, font partie de ces citoyens ; tâchons dès lors de bien les traiter !

Théo Bon-Mardion

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