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Depuis mercredi, une polémique sévit à l’université de Nantes. La présidente de l’université a utilisé la liste des mails des étudiants et des enseignants-chercheurs, afin de les appeler à faire barrage à l’extrême-droite pour le second tour de l’élection présidentielle.

Polémique à l’université de Nantes : quand une présidente appelle au « barrage républicain »

Nous sommes le mercredi 13 avril, à 15 h 15 précise, quand les quelque 43 000 étudiants et les plus de 2 000 enseignants de l’université de Nantes reçoivent un mail de la présidente de l’université, Carine Bernault. Assumant d’emblée un message « inhabituel », le justifiant de son caractère « indispensable au regard des enjeux attachés » à l’élection présidentielle, elle y indique sans s’en cacher, son orientation politique.

Alors que le service de courriel des facultés sert à informer les étudiants de changements d’horaires de cours ou d’échanger des informations administratives, c’est donc un message ouvertement orienté politiquement, dictant une véritable consigne de vote, que les étudiants ont retrouvé ce mercredi.

« Parce que les fondements de notre société sont en cause, je vous appelle solennellement à voter le 24 avril pour faire barrage à l’extrême droite et donc au Rassemblement National » peut-on lire.

La liberté d’opinion brimée à l’université

La présidente avait-elle le droit d’écrire ce courriel ?

L’article L141-6 du code de l’éducation est pourtant clair : « Le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique ».

L’article 7 du règlement de l’université lui-même conforme le principe de neutralité : « Les personnels sont notamment tenus au devoir de réserve, à la discrétion professionnelle et au respect des principes de laïcité et de neutralité politique et religieuse du service public. »

Que comprend ce devoir de neutralité ?

En tant qu’enseignant-chercheur, une personne ne peut évoquer son avis sur une question politique lors d’une interview, d’une conférence ou même lors d’un cours et ce malgré une grande liberté d’expression. La fonction d’enseignant-chercheur et de dirigeant universitaire conférant une autorité et un pouvoir d’influence non-négligeable sur les étudiants, le devoir de réserve joue un rôle clef car il permet de garantir la liberté et la diversité d’opinion au sein des universités.

En enfreignant son devoir de réserve, Carine Bernault remet en cause la neutralité du service public dont elle a la charge, en l’occurrence l’université de Nantes. Plus encore, elle porte une atteinte grave à la démocratie, en utilisant son pouvoir de haut-fonctionnaire et les moyens du service public pour influer sur le jugement politique des étudiants. Enfin, elle dévoie l’université de son rôle premier, qui est d’instruire et de créer les conditions d’une réflexion libre et éclairée, plutôt que de dicter une pensée toute faite

La liberté d’expression et d’opinion, dont la présidente fait référence dans son mail n’est donc qu’illusoire et « la contradiction » qui « est l’essence même de l’université » est bafouée.

Comment, alors que son rôle est censé apporter une cohésion au programme d’études et un soutien à tous les étudiants, la présidente peut-elle se permettre non seulement de donner une consigne de vote, mais également de porter un jugement négatif sur l’orientation politique de plusieurs de ses étudiants ? Cette consigne de vote ne peut que mener à une dégradation de la cohésion sur le campus. En effet, plusieurs jeunes ne souhaitant pas faire « barrage à l’extrême droite » se sentent visés. « C’est comme si on était dans la mauvaise équipe, le camp des méchants », évoque un étudiant en droit de l’université.

En donnant une sorte de consigne de vote comparable à celle des partis vaincus du premier tour de l’élection, Mme Bernault nie les capacités de réflexion de ses étudiants. Elle perpétue l’infantilisation des Français, qui ne pourraient pas faire le bon choix d’eux-mêmes, s’inscrivant dans la continuité de ce que proposent certains médias.

L’amalgame entre Marine Le Pen et le fascisme ne repose sur aucune analyse de fond et porte atteinte au débat démocratique

Cet épiphénomène n’est pas un cas à part. L’université de la Sorbonne a été bloquée et saccagée quelques jours plus tard par des étudiants insatisfaits des résultats du premier tour, l’université d’Angers appelle également à voter contre l’extrême-droite… Des personnes éminentes du domaine du sport appellent à faire barrage.

La République serait en danger, les institutions à l’agonie et le peuple opprimé si Marine Le Pen était élue. Au-delà d’influencer le vote des électeurs, c’est un éternel parallèle aux régimes fascistes qui est entretenu avec le Rassemblement National.

Commet garantir le principe de libre de choix des électeurs quand un candidat est sans cesse considéré comme anti-démocratique ?

Les reproches s’enchaînent et se ressemblent. Tous ont pour point commun de ne viser que la personne et non le programme. L’usage de référendum par exemple, lorsque prôné par le RN, est décrit comme une technique de régime totalitaire. Il serait bon de rappeler que selon l’article 3 de la Constitution, le référendum permet l’expression de la souveraineté du peuple.

Mais l’ennemi doit être diabolisé, et le vote utile devenir un vote barrage, alors que sa fonction première est d’afficher une adhésion à un programme.

L’université ne transmet plus les valeurs de pluralité d’opinion, et n’assure plus sa fonction première : instruire. L’idéologie enchaîne les étudiants en face de leurs copies, tandis que les présidents partagent librement leurs opinions.

Désormais, la terreur s’installe sous couvert de la lutte contre un prétendu fascisme ne servant qu’à décrédibiliser les adversaires du système néolibéral dominant et à empêcher tout débat démocratique, c’est-à-dire portant sur les idées, et non sur les anathèmes.

Le programme de Marine Le Pen présente pourtant de nombreuses failles, dont le débat universitaire pourrait s’emparer avec profit, de manière apaisée et en adoptant un point de vue scientifique et rigoureux. Par exemple, l’interdiction généralisée du voile est-elle compatible avec le principe de laïcité ? Est-il envisageable de démanteler les éoliennes sans renoncer à nos objectifs climatiques ? Comment justifier l’exonération de l’impôt sur le revenu des moins de 30 ans devant le Conseil constitutionnel, qui veille à l’égalité devant les charges publiques ?

Il serait salutaire pour notre démocratie que le débat public interroge le fond et, surtout, la cohérence des programmes plutôt que de dicter des consignes de vote sur le fondement d’anathèmes et de procès en fascisme.

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