Souverains Demain !

Souverains Demain !

Publié le dimanche 17 avril 2022 au journal officiel, le décret du 16 avril 2022 portant application de la réforme de la haute fonction publique vient acter l’extinction des corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires, promise par le gouvernement Castex depuis le 9 novembre 2021, date à laquelle le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian avait annoncé ladite extinction des corps dans une lettre aux concernés.

La suppression des corps diplomatique et ministériel, un recul de plus de la souveraineté nationale

Une disposition d’Emmanuel Macron contre laquelle les membres du corps diplomatique s’étaient déjà insurgés le 24 mai 2021 dans une tribune collective pour Le Monde, dans laquelle ils s’opposaient à la volonté d’uniformisation de la haute fonction publique engagée par le Président de la République.

Cette réforme comprend également la suppression de l’ENA, transformée en Institut national du service public (INSP) depuis le 1er janvier 2022. Si l’INSP ne permettra  pas de gommer les défauts de l’ancienne ENA (classement de sortie sur le fondement d’examens scolaires, durée de scolarité beaucoup trop longue pour des élèves qui ont en moyenne sept ans d’études et plusieurs stages à leur actif), le nouvel Institut absorbe le concours des conseillers des Affaires étrangères relevant du cadre d’Orient (concours ouverts aux candidats maîtrisant une langue rare), ainsi que divers autres concours spécifiques de catégorie A+ (magistrat administratif, conseiller des chambres régionales des Comptes…). L’INSP n’est qu’un nouveau pas vers l’uniformisation toujours croissante de la fonction publique.

Une dynamique plus générale de suppression des différents corps de la haute fonction publique, dont celui des préfets institué par Napoléon Bonaparte en 1800, qui s’inscrit dans une logique du « New Public Management » défendue par exemple par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire au cours de sa propre campagne en 2016 : « [L’ENA] a rempli son office pendant des années, formé des fonctionnaires de grande qualité. Mais nous entrons dans un monde nouveau : celui des entrepreneurs, de la créativité, de l’innovation. »

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L’idée en elle-même de suppression de corps élitistes au sein de l’Etat, cultivée sur le papier comme une proposition égalitaire et démocratique, joue en fait le rôle de caution morale au renforcement d’un népotisme toujours plus pesant au sein des institutions. Le Gouvernement justifie cette mesure par l’argument fallacieux selon lequel la fusion des corps d’encadrement supérieur en un corps unique, celui des « administrateurs de l’Etat », favoriserait la mobilité et le dynamisme de la haute fonction publique. Il n’en est rien : le principe même de la mobilité est de permettre aux fonctionnaires de changer de corps et d’évoluer selon des critères d’efficacité qui ne peuvent être mesurés qu’en objectifs chiffrés, donc loin des intérêts de défense des intérêts nationaux et du service public. En revanche, la suppression des corps de diplomate et de préfet gomme l’expertise de ces fonctionnaires au métier spécifique. En effet, prétendre gérer de la même manière les préfets, les diplomates et les administrateurs en centrale ne répond à aucune logique tant les métiers sont éloignés, nécessitant par conséquent une gestion différenciée des ressources humaines, et une formation spécifique.

UNE PHILOSOPHIE DE L’ETAT : LE NEW PUBLIC MANAGEMENT ET LA PRIVATISATION DU SERVICE PUBLIC

La casse de la haute fonction publique, désormais alignée sur les nouveaux impératifs d’« efficacité » libérale propres au corpus idéologique du Président-candidat, intervient à un moment judicieusement choisi : entre une campagne portée sur des thèmes sécuritaires et économiques, un conflit aux portes de l’Europe dans lequel le Président de la République s’investit médiatiquement et une crise sanitaire ayant fait douter de l’efficacité de l’Etat, la question des « réformes de l’Etat » entreprises par le Président de la République est reléguée au second plan dans un contexte de crises plurielles. En outre, elle permet au président de satisfaire son aile réformiste et ultralibérale, en alignant la fonction publique sur un mode de fonctionnement inspiré du secteur privé. La course électorale ne doit pas se faire sur le dos de l’Etat républicain et de ses institutions prestigieuses. En effet, ces réformes auront des conséquences durables sur l’État français, dont les services publics sont, faut-il le rappeler, les meilleurs au monde. La suppression des corps et le recours accru aux contractuels prévu par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, permettra au Gouvernement de favoriser ses proches, plutôt que la compétence et l’expérience.

Revenir sur les héritages napoléonien et gaullien des corps préfectoral et diplomatique, actant le triomphe de l’idéologie néolibérale sur l’idée d’un Etat fort et centralisé, s’inscrit dans le corpus idéologique de La République en Marche, vampirisant un peu plus chaque fois un Etat déjà exsangue de ses forces vives censées garantir la souveraineté de la Nation. Le cache-misère qu’est l’ordonnance du 3 mars 2021 favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public constitue une énième illustration de la défense par le Président de la République d’un progressisme social servant d’apparat au libéralisme économique le plus acharné. La réalité de la réforme est qu’elle cherche à démanteler l’État social et régalien, spécificité du succès industriel, économique, social et militaire de la France (le général de Gaulle disait : « En France, il faut être l’État pour entreprendre de grandes choses »), en mettant simultanément en œuvre le recours massif aux contractuels au détriment des fonctionnaires statutaires et l’uniformisation contre l’excellence de la haute fonction publique et la privatisation des grands services publics (Aéroports de Paris, SNCF).

Cette réforme de la haute fonction publique s’accompagne d’un dépeçage de l’industrie française et du renoncement à l’État stratège, qui est pourtant le creuset des plus grandes réussites françaises. Par exemple, la direction générale de l’Armement a permis à la France de disposer de la meilleure industrie aéronautique et du meilleur complexe militaro-industriel au monde.

REPENSER LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE : RECONSTITUER LES GARDES-FOUS

Symboles d’excellence républicaine, avec certes un déficit de représentation notable, les corps diplomatique et préfectoral jouent un rôle-clé, tant dans la mise en œuvre des politiques publiques et dans la défense de nos intérêts à l’international, que dans la garantie d’une impartialité des plus hauts serviteurs de l’Etat et de la Nation. Garantir une meilleure représentativité sociale au sommet de l’Etat ne passe pas par la suppression desdits corps ; le caractère démocratique de ces institutions réside dans leur capacité à être mobilisé au service du chef de l’Etat élu souverainement par les Français, en toute neutralité, marquée par le devoir de réserve du corps diplomatique par exemple.

La haute fonction publique de l’Etat est un outil au service du peuple et du Gouvernement élu démocratiquement ; si l’omniprésence de l’énarchie dans la haute fonction publique peut être critiquée à raison, les corps que sont la préfectorale ou les affaires étrangères ne sont pas dans la ligne de mire des revendications démocratiques contemporaines.

La disparition du corps diplomatique risque d’entériner une évolution majeure de la diplomatie française, désormais considérée comme une administration pouvant être alimentée par des énarques issus d’autres administrations – avec un risque de « copinage » important.

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